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Yves Paccalet est un écrivain, philosophe, journaliste et naturaliste français Wikipedia.
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La chasse...
Yves PACCALET
Ma part de gibier vivante et libre !
Voici revenu le temps de la chasse. Les bois et les champs pétaradent. Balade interdite pour les amis de la nature, les enfants et les poètes. « Regrettables accidents » déjà programmés… Chaque automne, les journaux regorgent de « faits divers » à la chevrotine ou à la balle. Des humanoïdes au front bas et en tenue de camouflage sillonnent la campagne en compagnie de leur arme de destruction rapide et de leurs chiens énervés par la poudre. L’oiseau se cache et se tait, le lapin tremble et se terre, l’amateur de champignons serre les fesses en cueillant le cèpe ou la girolle, le promeneur comprend que le pouvoir est au bout du fusil – et qu’il n’a pas choisi bon côté du canon.
Le défenseur de la nature et de la vie s’interroge. Qu’est-ce qui pousse l’homme (bien plus rarement la femme) à acheter un flingue et un permis de tuer la caille ou la perdrix, le lièvre ou le chevreuil ? À l’évidence, ni la faim, ni la nécessité de nourrir ses proches. Nous ne disputons plus nos refuges aux ours des cavernes et aux tigres à dents de sabre. Nous n’avons plus (du moins dans nos pays riches) besoin de compléter notre ration de protéines avec un cuissot de biche ou de sanglier.
Les chasseurs prétendent qu’ils battent la forêt ou la lande pour entretenir leurs muscles ; ou pour faire courir leur chien ; ou pour conserver et illustrer une tradition qui remonte à la Préhistoire ; ou pour retrouver des amis et écluser force bouteilles (d’où la recrudescence concomitante des « malheureux accidents »). Mais je me promène sur les sentiers de France et de Navarre en dehors des périodes d’ouverture sans rencontrer un seul de ces « sportifs » ou de ces « amis de la nature »… Les chasseurs se font passer pour des « protecteurs de l’environnement », mais ils ont décimé l’ours, le loup, le lynx, le bison, la panthère ou le gorille. En France, de leur propre aveu dans les bilans que publie par exemple le "Chasseur français", ils anéantissent chaque année quelque trente millions d’animaux, dont quinze millions d’oiseaux. Je rappelle que la catastrophe écologique de la marée noire du "Prestige", considérée comme l’une des pires dans son genre, n’a causé « que » la disparition de trois cent mille oiseaux marins ! En France, la chasse détruit chaque année, en nombre d’animaux sauvages, ce que tuent cent désastres pétroliers !
Certains, parmi les plus riches manipulateurs d’arme à feu, paient des fortunes le droit (et ce qu’ils appellent le « plaisir ») d’infliger la mort à un beau lion, à une girafe, à l’un des derniers rhinocéros, à un éléphant ou à l’un des ultimes tigres de la jungle… Ces « héros » se vantent de leur « carton » victorieux sur les réseaux sociaux. Non seulement ils sont ignobles, mais fiers de leur bassesse.
Je connais des porteurs de fusil qui aiment le chant de la bécassine, le brame du cerf ou la parade du coq de bruyère. J’ignore pourquoi ils désirent rapporter un cadavre à la fin de leur balade, quand je me satisfais d’une photographie ou d’un souvenir émerveillé. Je mange parfois de la viande. Je n’ai pas l’hypocrisie de faire semblant de croire qu’elle arrive par magie sur l’étal du commerçant : il y a bien eu meurtre. Mais, en principe, le boucher ne tue pas la bête pour s’amuser, tandis que le chasseur prend un plaisir sadique à saigner ses victimes.
Je ne comprends pas la chasse. Mon cœur voudrait intensément qu’elle n’existe plus (et que soient abolis avec elle les combats de coqs, la corrida et les autres cruautés infligées aux animaux). Ma raison me recommande de ne pas tenter de l’interdire, et de m’en remettre au jeu de la démocratie. Les chasseurs et moi-même aimons le gibier sous deux formes incompatibles. Ils l’adorent criblé de plombs. Je l’apprécie rempli de vie. Parce que nous sommes dans un état de droit, il nous faut négocier. La France compte aujourd’hui moins d’un million de chasseurs, c’est-à-dire moins d’un soixante-septième de la population du pays. J’exige, au nom de l’égalité, que ce soixante-septième de nos citoyens se contente du soixante-septième du gibier présent dans l’Hexagone.
Je n’entends pas priver les chasseurs de leur « droit imprescriptible » (disent-ils) à revêtir la tenue militaire, à charger le fusil et à semer la mort à travers prés et bois. Mais j’exige qu’ils cessent de viser mes lièvres, mes canards, mes sangliers, mes buffles ou mes lions. Je revendique ma part de gibier. Ma part à moi. Que je souhaite à jamais vivante et libre dans l’enchantement de la nature.
Yves PACCALET - (Texte publié d'abord dans le journal de la Fondation Cousteau - le "Calypso Log" -, puis comme "Humeur sauvage" dans le magazine "Terre sauvage".)
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